Pourquoi les investisseurs ont-ils de l’appétit pour la nutrition-santé ?

Publié le 5 septembre 2018

Regards d'expert

On ne cesse de le rappeler : le marché de la nutrition-santé est ultra dynamique. Et ces dernières années ne font que le confirmer ! De quoi attirer les investisseurs…[icon name= »american-sign-language-interpreting » class= » » unprefixed_class= » »]

La révolution nutrition-santé en marche

Comment sommes-nous passés d’un marché simplement tendance à une mine d’or pour les investisseurs ? 2 mini-révolutions peuvent l’expliquer :

  • D’une part, une prise de conscience exacerbée de l’impact de la nutrition sur la santé
  • D’autre part, l’évolution de notre société avec une place grandissante pour le selfcare (80 % des Français pratiquent l’automédication[1]) et le « connected care ». C’est une nouvelle façon de prendre soin de soi, en répondant à un besoin d’immédiateté, de personnalisation, mais aussi à la nécessité de faire évoluer notre système de santé.

Le triptique nutri-nutra-foodtech en forte croissance

Notre définition de la nutrition-santé s’étend à 3 domaines :

plante

  • La nutri, avec les aliments santé et les boissons fonctionnelles,
  • La nutra, avec les compléments alimentaires et les ingrédients nutraceutiques,
  • Et la foodtech, que nous définissons comme toute technologie appliquée à la nutrition (pouvant être aussi bien une application mobile, un système de livraison, un aliment nouveau ou une technologie de production).

Le marché des aliments santé et des boissons fonctionnelles est certainement le plus ancien, et de fait le plus important. Il s’élevait en France à 18 Mds € en 2015 (+ 8,1 % entre 2010 et 2015 [2]) et à 233 Mds€ dans le Monde. Ce marché est considéré comme « The next trillion dollar industry » par le média Womensmarketing [3].

Le marché des compléments alimentaires est certes plus petit, mais aussi plus dynamique. Il a généré en 2017 en France 1,8 Mds € de ventes (+ 5,8 % vs 2016 et + 87,7 % vs 2010). Les compléments alimentaires représentent un vecteur de croissance pour les pharmacies : en 2016, compléments alimentaires et médicaments OTC ont participé à plus de 25 % de leur croissance [4]. L’un des drivers : le taux de pénétration des compléments alimentaires qui est passé de 20 % à 29 % chez la population adulte entre 2007 et 2015, selon l’enquête INCA 3. Dans le Monde, la tendance est tout aussi dynamique avec un marché qui s’élevait à 103 Mds€ en 2015 et qui devrait atteindre 212 Mds € en 2025 [5]. L’Europe de l’Ouest est le 3ème marché avec 14,4 % des parts de marché mondiales, derrière l’Asie (n°1) et les Etats-Unis (n°2).

Enfin, le marché de la foodtech. Il constitue un nouveau vecteur de croissance. 3,3 millions d’objets connectés ont été vendus aux Etats-Unis en 2013 et ce marché représente désormais 278 Mds€ [6]. Dans le Monde, entre 2013 et 2016, ce sont plus de 1 000 investisseurs (des fonds d’investissement et de capital-risque, et plus récemment, des structures d’investissement créées par des industriels comme Carrefour) qui ont investi 33 Mds € dans 3 000 projets liés à la foodtech.

On assiste à la création d’une nouvelle économie ! La France fait partie du top 5 des pays européens sur 2 points : le nombre d’acteurs-acquéreurs et de start-ups rachetées. Elle se situe derrière l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie. Parmi les fleurons français : FoodChéri, Les Commis qui livre 500 kits de repas chaque semaine, La Belle Assiette, OptiMiam qui aide à lutter contre le gaspillage auprès de 30 000 utilisateurs [7], Foodvisor et Yuka qui revendique 4,5 millions d’utilisateurs.

Des investisseurs de plus en plus spécialistes

investisseurs en food

Aujourd’hui, certains investisseurs se spécialisent pour être plus experts et plus performants. Dans le Monde, ils sont plus de 80 à s’orienter dans la voie de la nutrition-santé d’après Shake Up Factory et Food Is Social. Ces derniers évoquent le sujet dans leur Guide de survie des professionnels du food : « Ce qui explique l’engouement [des investisseurs] : l’alimentation est un besoin essentiel, universel, récurrent, et la variété des besoins n’a pas encore trouvé de réponse idoine. Ainsi, les projets bien menés peuvent rapidement croître, capter une clientèle importante, voire internationale [8]

Pour citer quelques exemples d’investisseurs : Capagro, Unigrains, Sofiprotéol ou Seventure Partners, spécialisé dans les sciences de la vie et de la Terre et les technologies digitales. Depuis 2005, Seventure investit en nutrition-santé avec un intérêt particulier pour le microbiome et a permis le développement de sociétés telles que LNC Therapeutics (maladies métaboliques), Polaris (lipides nutritionnels) ou Enterome (développement de médicaments à partir de modulateurs microbiens).

Les investisseurs participent à la consolidation du secteur

Avec un tel dynamisme, le marché de la nutrition-santé est très éclaté et peuplé de beaucoup de start-ups. Dans le domaine du complément alimentaire, le nombre de laboratoires présents en pharmacie et parapharmacie est passé de 360 en 2013 à 404 en 2016 [9]. Et on recense 3 636 références produits actives [9].

Cette organisation est toutefois en train de se structurer : les start-ups et PME les plus innovantes font l’objet d’investissements ou de rachat, à l’image d’ERSA (Erbalab-Synactifs-Aragan). Précédemment détenu par Calcium Capital (actionnaire majoritaire à 85 % depuis 2013), ERSA a été racheté par le Groupe Ponroy à la rentrée 2017. Les objectifs sont clairs : augmenter les capacités de production et dynamiser la présence à l’international. Le Groupe Ponroy, lui-même soutenu par 3i et par Cathay Capital, serait à la recherche d’autres opportunités de build-up. De nombreux autres investissements sont à citer : Arkopharma (Montagu en 2014), Laboratoire Lescuyer (TCR Capital en 2016), EA Pharma (Motion Equity Partners en 2018) et tout récemment NHCO (groupe Chiesi).

Une parfaite illustration de la consolidation du marché est en train de s’opérer :

s’unir ou investir pour couvrir de nouveaux circuits de distribution, de nouvelles aires thérapeutiques ou de nouvelles cibles. L’une des difficultés, cependant, réside dans le fait d’identifier les bonnes cibles d’investissement, d’où l’intérêt de se faire accompagner sur ce point.

barre de céréalesPour conclure, soulignons l’aspect très positif de ces investissements : il est plutôt valorisant d’investir en nutrition-santé, c’est même d’utilité publique. Les cancers et les maladies cardiovasculaires sont les deux premières causes de mortalité en France, et une mauvaise alimentation a été reconnue comme facteur de risque de ces pathologies. Autrement dit, ceux qui investissent aujourd’hui en nutrition-santé pourront dire qu’ils ont contribué à améliorer les choses.

Notre synthèse : les 5 facteurs qui attirent les investisseurs

  • La forte croissance du secteur, bien sûr.
  • Le besoin de consolidation / build up pour ce marché très éclaté et constellé de start-ups.
  • Le besoin en capitaux pour se développer : en R&D, pour mener des études cliniques souvent onéreuses, pour déployer des plans marketing d’envergure et pour mettre les moyens nécessaires en développement commercial.
  • Le changement de génération: nombre des laboratoires cités plus haut sont des entreprises familiales, créées ces 30 dernières années. Plusieurs de ces dirigeants choisissent aujourd’hui de passer la main.
  • Les grands groupes (pharmaceutiques ou de grande consommation) s’intéressent de près au sujet, ce qui offre des possibilités d’exit aux investisseurs.

[1] 15ème baromètre AFIPA 2016 des produits du selfcare

[2] Health and Wellness in France, Euromonitor, avril 2016

[3] Article publié le 19 décembre 2016 sur www.womensmarketing.com

[4] 15ème baromètre AFIPA 2016 des produits du selfcare

[5] ABM Group Consulting, 2015

[6] Article publié le 19 décembre 2016 sur www.womensmarketing.com

[7] La foodtech, un secteur où les start-ups cartonnent. Lesjeudis.com. 24/05/2017

[8] Réussir votre transformation digitale & augmenter votre business. ShakeUpFactory & Food is social

[9] QuintilesIMS 2016

A propos de l'auteur

Ombeline

Directrice des pôles investissement & social, elle seule sait naviguer entre ces deux univers tel un caméléon…
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