La transition nutraceutique, ou la convergence de l’innovation vers le complément alimentaire

Publié le 21 janvier 2021

Regards d'expert

Vous n’êtes pas sans savoir que, chez Nutrikéo, nous sommes très inspirés par tout ce qui touche à la nutraceutique. Aujourd’hui, nous avons envie de vous parler de la transition nutraceutique. Ou comment la nutra, marché relativement petit mais très dynamique, est une source inépuisable d’idées pour alimenter l’innovation de secteurs bien plus grands que sont le food, la santé ou encore la distribution. Comment le marché de la nutrition (et pas que !) change de visage pour intégrer plus de nutra à tous les étages. Qui innove en ce sens ? Comment ? Pourquoi ? C’est l’objet de cet article. Bonne lecture !

Qu’est-ce que la transition nutraceutique ?

Bientôt, toutes les marques auront leur gamme de compléments alimentaires

Commençons par le commencement. Que mettons-nous derrière l’approche de ‘transition nutraceutique’ ? Il s’agit de mettre des mots sur un phénomène que nous avons identifié : les innovations du marché de la nutrition intègrent de plus en plus de nutraceutique, c’est-à-dire de compléments alimentaires, d’aliments fonctionnels ou d’ingrédients nutritionnels. L’offre existante est, soit complétée par un complément alimentaire fournissant une action additionnelle ; soit enrichie dans sa formule par des ingrédients nutritionnels apportant une action à forte valeur ajoutée. Cela concerne les aliments et boissons d’un côté ; les médicaments de l’autre.

Il s’agit d’un changement de visage majeur. Cela veut dire que des marques alimentaires sont en passe de créer leur propre gamme de compléments alimentaires (ou d’aliments fonctionnels dans un 1er temps). De même pour des laboratoires pharmaceutiques. En réalité, ce n’est pas aussi binaire, nous le verrons plus loin.

Et les transitions alimentaire & nutritionnelle ?

Pour bien comprendre, faisons le parallèle avec la transition alimentaire et la transition nutritionnelle.

La transition nutritionnelle désigne le changement de composition nutritionnelle de notre alimentation. Selon les régions du monde ou les situations personnelles, cette évolution peut être positive ou négative :

  • Positive lorsqu’un groupe d’individus consomme plus de nutriments d’intérêt pour la santé ou en quantités plus adéquates. A titre d’exemple, il s’agit de consommer plus de fibres, de vitamines & minéraux, plus de protéines ou tout simplement d’énergie pour lutter contre la malnutrition.
  • Et négative lorsque cette transition nutritionnelle dégrade la nature de ce qui est consommé : trop d’acides gras saturés, de sucres et de sel bien sûr. Ce qui peut être observé dans certains pays en développement. Le progrès social n’améliore pas toujours l’alimentation, voire la dégrade parfois.

Le tout est d’accompagner la transition nutritionnelle pour placer le curseur au bon endroit. Et c’est notre rôle d’agence de conseil en stratégies nutrition.

La transition alimentaire, quant à elle, désigne selon nous le changement de comportement dans l’acte alimentaire : approvisionnement local, préférence pour le naturel ou le bio, recherche de clean label ou de labels tout court… On achète et on mange de plus en plus responsable et durable.

Ces 2 notions font l’objet d’articles dédiés, donc revenons-en à la transition nutraceutique 👇 .

Qui est concerné par la transition nutraceutique ?

Notre conviction : nous assistons à une convergence des secteurs de la nutrition. Plus particulièrement, le food et la santé convergent vers la nutraceutique. Pourquoi ? Ou plutôt, pour répondre à quels enjeux ?

  • Les uns recherchent une efficacité plus franche, une caution santé, une crédibilité.
  • Les autres veulent intégrer plus d’aspérité dans l’acte de consommer.

La nutraceutique est en quelque sorte à la croisée des chemins et inspire la santé et le food.

Le secteur Food : tout désigné

Le marché alimentaire était tout désigné pour innover vers plus de santé et de fonctionnel. Le phénomène n’est pas tout à fait récent puisque plusieurs acteurs agroalimentaires ont innové il y a bien longtemps. Nous pouvons citer Danone avec Actimel et Activia ; ou Unilever/Upfield en son temps avec Pro-Activ. A l’instar de ces deux exemples, on peut dire qu’innover dans le domaine des aliments-santé est un parcours semé d’embûches, surtout lorsqu’on est pionnier : réglementation stricte, concurrence du secteur thérapeutique, polémiques, terrain immature…

Mais pour cette année 2021 et les suivantes, nous sommes a priori dans une période fast ! Le marché est bien prêt à accueillir les innovations des acteurs agroalimentaires, qui bénéficient de toute la légitimité nécessaire :

  • Grâce à une parfaite maîtrise des matières 1ères et des ingrédients nutraceutiques qui en découlent.
  • En s’appuyant sur la connaissance du mass market, tant au niveau distribution que marketing. L’idée derrière cela étant de rendre accessible au plus grand nombre des solutions lifestyle et wellness, les compléments alimentaires et aliments-santé devenant des vrais produits de grande consommation.
  • Avec une démarche historique sur les ‘aliments-santé‘ ou aliments fonctionnels (terme plus approprié aujourd’hui). Pour reprendre l’exemple de Danone : si le microbiome est un sujet d’importance, c’est notamment grâce à la visibilité apportée aux probiotiques via Actimel et Activia depuis 25 ans. Rendons à César ce qui est à César 😉. En 2020, après une période en demi-teinte, Actimel revient sur le devant de la scène avec un positionnement plus santé… et quelques vitamines « allégables » en bouteille (vitamines D et B6).
Actimel sans sucres ajoutés
Actimel sans sucres ajoutés

Un phénomène plus récent, mais qui va un cran plus loin, est l’appropriation de gammes complètes de compléments alimentaires par les géants de l’agroalimentaire. Nous pensons bien sûr à Nestlé avec Atrium et Persona. Ou encore à Unilever avec Olly et SmartyPants. A qui le tour 😀 ?

Unilever acquiert Olly Nutrition
Unilever a fait l’acquisition d’Olly courant 2019

Les laboratoires pharmaceutiques et leur longueur d’avance

Le visage du secteur pharmaceutique se transforme lui aussi. Les laboratoires, qu’ils produisent des médicaments OTC ou de prescription, stretchent leurs gammes vers le complément alimentaire, sous l’impulsion de plusieurs motifs :

  • Faire face aux déremboursements, avec un système de vases communicants. De nombreuses problématiques sont concernées : veinotoniques, immunostimulants, magnésium, et bien sûr homéopathie.
Osmobiotic Boiron
Le laboratoire Boiron innove avec une gamme de compléments alimentaires
  • Apporter une alternative naturelle, plus particulièrement face à des médicaments suspectés d’effets secondaires (promesses cardiovasculaires, anti-inflammatoires). Avec comme conséquence l’essor de l’automédication ou d’une médication plus responsable.
  • Trouver un relais de croissance à court terme, avec un développement produit plus simple et plus rapide pour le complément alimentaire vs le médicament. Cela est d’autant plus vrai dans le contexte d’expiration d’un brevet, engendrant une perte de chiffre d’affaires.
  • Elargir la cible des utilisateurs, en s’adressant à une population plus jeune, qui consulte moins et qui fait peu usage de la prescription médicale. Un bel exemple est celui de l’investissement de Bayer à hauteur de 70% auprès de l’une des DNVB les plus en vogue : Care/Of, le pionnier des cures personnalisées ‘lifestyle’.
Care/of racheté par Bayer
Care/Of dans le bastion du laboratoire Bayer
  • Offrir une action complémentaire, entre médicament et complément alimentaire. Dans d’autres cas de vides thérapeutiques, comme sur la DMLA, le complément alimentaire peut être l’unique solution.
transition nutraceutique des laboratoires pharmaceutiques
Horus et sa gamme de nutraceutiques

Certains laboratoires ont intégré une véritable BU Nutra, mesurant tout le potentiel de l’investissement en nutraceutique. C’est le cas de Sanofi avec son best-seller Novanuit. La gamme s’inscrit comme une alternative naturelle aux somnifères dont l’usage expose à des effets secondaires, notamment l’accoutumance.

A l’image de Sanofi, les laboratoires pharmaceutiques qui débarquent sur le terrain de la nutraceutique ont de forts atouts en poche :

  • Ils connaissent parfaitement le circuit de vente en pharmacie avec un réseau déjà en place, de même pour le réseau de prescripteurs. Il s’agit alors de faire cohabiter médicaments et compléments alimentaires en argumentant sur leurs synergies.
  • Ils maîtrisent la formulation, avec une bonne connaissance des plantes, un savoir-faire en matière d’études cliniques et la crédibilité du laboratoire pharmaceutique.
  • Ils possèdent toute la légitimité nécessaire pour adresser les problématiques médicales les plus pointues, tandis qu’un laboratoire de complément alimentaire devra faire ses preuves.

Le marché du selfcare* était estimé à 3,7 Mds€ en 2019, comprenant les compléments alimentaires, les dispositifs médicaux et les médicaments sans ordonnance (vs 30 Mds€ pour les médicaments et dispositifs médicaux vendus sur prescription). Cela fait du selfcare l’une des opportunités de réduction des coûts de santé, mais aussi une voie de responsabilisation de nos pratiques de santé.

Côté Ingrédients : de la commodité à la spécialité

Cette transition nutraceutique ne pourrait pas avoir lieu sans le concours des fournisseurs d’ingrédients. Qui sait, d’ailleurs, s’ils n’ont pas enclenché la démarche ? En travaillant sur des gammes d’ingrédients plus étoffées, passant des ingrédients de commodité aux ingrédients de spécialité. C’est le travail d’innovation fait par Roquette, avec une gamme d’ingrédients qui adresse désormais la nutrition sportive, la gestion du poids ou encore la nutrition clinique.

Cette évolution émane :

  • soit d’une démarche d’innovation en interne,
  • soit de l’acquisition d’autres fournisseurs d’ingrédients ou d’une partie de leur portefeuille. Dans cette logique, Robertet a fait l’acquisition de Bionov et d’Hitex, passant d’une expertise de la parfumerie à une double compétence cosméto-nutra. Les géants de l’aromatisation intègrent eux aussi, et petit à petit, la nutrition dans leur portefeuille : Givaudan avec Naturex, ou encore IFF avec Frutarom.

Alors, quelle est la place des fournisseurs d’ingrédients dans la transition nutraceutique ? La réponse est : ‘grande’ ! Tout d’abord, parce qu’ils se situent en amont de la filière et que sans innovation de leur part, rien de tout cela n’est possible. Ensuite, parce que la transition nutraceutique apporte à la fois de la technicité et un relai de croissance à des gammes existantes.

innovation nutraceutique
Notre livre blanc : La nutraceutique peut-elle encore innover ?

La transition nutraceutique sort des sentiers battus

Quand la distribution veut maîtriser ses marges et ses sourcings

En effet, le lancement de compléments alimentaires concerne également la distribution, généraliste ou spécialiste. Des Marques de Distributeurs (MDD) voient le jour chez Amazon, Sephora, ou sur des réseaux plus spécialisés comme Anton&Willem. Développer ou acquérir sa propre gamme de compléments alimentaires est synonyme de différenciation, par exemple lorsqu’on est un réseau de pharmacies comme Pharmavie. C’est également le moyen de mettre en place un sourcing produit maîtrisé et de mieux contrôler les marges.

complément alimentaire MDD
Pharmavie et sa gamme de compléments alimentaires

La cosmétique sera nutricosmétique

Le marché de la nutricosmétique bénéficie d’un réel dynamisme, alimenté par l’essor du In & Out. Dans ce schéma, le complément alimentaire renforce l’image de naturalité et d’efficacité du topique lors d’un stretching de gamme, comme c’est le cas de Gallinée ou de Ducray avec Anacaps.

Nutricosmétique
Gallinée et sa gamme In&Out

Dans d’autres cas, comme celui d’Innéov en son temps, il s’agit d’une création de marque pure. Marque qui doit rencontrer son audience sur un concept In&Out plutôt technique. La pédagogie et la communication de masse sont donc de mise.

La Nutrition Animale à l’image de la Nutrition Humaine

Autre secteur qui nous tient à cœur et qui vit sa transition nutraceutique, c’est bien sûr la nutrition animale. Car par anthropomorphisme, ce qui se crée en nutrition humaine se transfère en nutrition animale.

Le schéma est sensiblement le même puisque Food, Pharma et Ingrédients sont acteurs de cette transition. Dans le Food, Purina a lancé des croquettes à base de Spiruline et de farine d’insectes. Dans le domaine des ingrédients, un acteur comme Philéo participe à la transformation des habitudes du feed avec l’utilisation de plantes, de probiotiques ou de postbiotiques, pour contribuer à la réduction de l’utilisation des antibiotiques. Selon l’Anses**, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a diminué de 45,3% depuis 2011. Cependant, toujours selon l’Anses, cette décroissance pourrait atteindre un plancher si une rénovation profonde des pratiques n’est pas enclenchée.

En conclusion, pour contribuer à l’évolution des pratiques nutritionnelles et à la transition nutraceutique, notre leit motiv est : l’inspiration ! S’inspirer des tendances, des innovations des autres secteurs et des points de vue extérieurs. Et le plus galvanisant dans tout cela est de constater l’impact qu’une innovation ou une décision d’entreprise peut avoir à l’échelle collective.

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A la recherche d’idées inspirantes ? Vous en trouverez certainement dans le sommaire de notre carnet des tendances 👇

carnet des tendances

* Source Afipa – **Anses. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2019. Novembre 2020

A propos de l'auteur

Agathe Vettier

Agathe Vettier

Directrice média & influence, les tendances et la conception de contenus sont ses meilleurs amis. -
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