Comment conduire une innovation alimentaire durable ?

Publié le 21 juin 2021

Regards d'expert

« Une alimentation durable protège la biodiversité et les écosystèmes, est acceptable culturellement, accessible, économiquement loyale et réaliste, sûre, nutritionnellement adéquate et bonne pour la santé, optimise l’usage des ressources naturelles et humaines »,

selon la FAO.

Vaste programme quand on cherche à innover dans le domaine agroalimentaire. Mais par où commencer ? Comment prioriser ? Beaucoup de questions auxquelles nous vous proposons des éléments de réponse.

Les 5 composantes de l’alimentation durable

Si on synthétise la définition de la FAO, 3 composantes majeures sont à prendre en compte lorsque vous cherchez à innover de manière durable. Vous verrez plus bas que nous en avons ajouté 2.

Impacts de votre innovation sur l’ENVIRONNEMENT

Il est indispensable de calculer et maitriser les conséquences de votre innovation sur la biodiversité et les écosystèmes. Il s’agit de choisir des matières et des process qui protègent au maximum les ressources naturelles. Pensez-y dans chaque étape du processus d’innovation. Depuis le sourcing des matières premières (ingrédients et packagings), jusqu’à la gestion par le consommateur des déchets induits ; en passant par l’impact sur l’environnement de tous les maillons de la chaine : sous-traitants, distributeurs… Seule une approche vraiment approfondie et 360° vous permettra de ne pas être dans une démarche de « Greenwashing ».

Impacts de votre innovation sur la santé

Ici, il est question à la fois de sécurité alimentaire et de bienfaits nutritionnels.

Il n’est en aucun cas acceptable de lésiner de près ou de loin sur la sécurité alimentaire, pour toutes les populations dans le monde. Au contraire tout doit être mis en œuvre pour améliorer continuellement la sécurité, pour les générations actuelles et futures.

Côté nutrition, l’idée est de penser la composition des nouveaux aliments pour permettre d’aller vers de meilleurs profils nutritionnels : réduire les sucres et sels « inutiles » ou cachés, intégrer des fibres dont on manque encore, proposer un meilleur équilibre entre protéines animales et végétales, favoriser les matières grasses insaturées vs saturées. Cela est primordial pour lutter efficacement contre le fléau des maladies chroniques liées à l’alimentation comme le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, mais aussi certains cancers. Cependant faites aussi attention à ne pas plonger dans l’extrémisme qui serait l’orthorexie, où on contrôlerait la moindre calorie ingérée et qui oublierait l’importance de la composante plaisir de notre alimentation.

Impacts de votre innovation sur la société

Réfléchissez à l’accessibilité de vos innovations pour les populations. En effet un produit parfaitement respectueux de l’environnement et bénéfique pour la santé, mais que seule une infime partie de la population pourra se payer, contribuerait à augmenter les inégalités sociales alimentaires déjà trop appuyées. Qui dit innovation durable dit stop à l’alimentation de qualité réservée à une niche. Nous sommes dans l’ère de la santé par l’alimentation pour tous.

Mais l’accessibilité passe aussi par l’acceptation culturelle. Prenons l’exemple des insectes. Toutes les conclusions vont dans le même sens : les insectes sont une des solutions à envisager sérieusement pour aller vers des sources de protéines plus durables. Cependant elle ne pourra pas voir le jour à grande échelle, et donc avoir un réel impact, tant que les populations à qui on les propose ne seront pas prêtes culturellement à les consommer. Ce type d’interrogations est encore plus fort au sujet de l’avenir de la viande cellulaire (chaires animales cultivées in vitro), autour de laquelle il se pose des questions philosophiques sur nos modèles alimentaires…

Autre point englobé dans cette composante sociétale : le respect des vies humaines qui œuvrent pour aboutir à l’innovation. Pensez aux producteurs qui méritent d’être rémunérés de manière juste, aux conditions de travail de chacun, au sein de sa propre entreprise mais aussi chez les fournisseurs, sous-traitants ou autres partenaires.

A ces 3 premières composantes, nous avons envie d’en ajouter 2 qui nous semblent également primordiales quand on réfléchit à la durabilité de nos innovations :

Les contraintes de l’entreprise

Cela va sans dire, l’innovation n’est possible en entreprise que si elle est réaliste en termes de contraintes budgétaires, technologiques, et dans une logique cohérente avec la stratégie globale de l’entreprise. Mais attention à ne pas vous cacher derrière cet argument pour justifier le manque de durabilité des innovations. Il faut être malin et réaliste. Peut-être que votre entreprise ne pourra pas aller jusqu’à développer une nouvelle ligne de production dédiée tout de suite, par manque de garantie de succès et de retours sur investissement suffisants. N’hésitez pas à y aller pas à pas, Rome ne s’est pas faite en un jour. A vous de trouver le juste milieu entre contraintes et solutions. Chaque industriel agroalimentaire a des possibilités d’innovation vers une alimentation plus durable. Nous voyons (trop) souvent des entreprises qui se focussent tellement sur les contraintes qu’elles se ferment des pistes alternatives possibles.

Les attentes des consommateurs

Dernière composante qui a sa grande importance : les consommateurs, qui sont de plus en plus des consomm’acteurs engagés dans leur alimentation. Ils ont leur mot à dire et ne s’en privent pas. Gardons toujours en tête que l’innovation est faite pour eux. Pour avoir un impact, il faut que le consommateur comprenne et choisisse le produit. Pourquoi donc ne pas les intégrer directement dans le processus d’innovation, avec des techniques de co-création ? C’est ce qu’a très bien fait, pour exemple, d’aucy en consultant les citoyens via une plateforme web pour déterminer les attributs de leur gamme de conversion au bio . Cette consultation a permis de déterminer la part supplémentaire reversée pour l’aide aux agriculteurs, mais aussi le type de légumes concernés, le contenant, la couleur de l’étiquette, et le circuit de distribution.

innovation alimentaire d'Aucy
D’Aucy accompagne la conversion en Bio

Rappelons l’importance majeure et croissante qu’accordent les consommateurs aux engagements des marques. D’après l’édition 2021 de l’enquête annuelle de LSA sur le sujet, 8 Français sur 10 déclarent être influencés par la responsabilité d’une marque au moment d’acheter et 33 % le sont fortement*.

responsabilité des marques

 

Pensez au-delà du produit

Quand on pense innovation alimentaire, on pense souvent produit. Evidemment c’est une très grande partie du travail, mais ça ne s’arrête pas là. Vous pouvez aussi vous lancer dans le développement de services autour des produits. Des services pour accompagner la consommation des produits de manière responsable par exemple. Quoi de plus logique pour une marque végan de lancer un coaching pour aider à adopter une alimentation plus végétale au quotidien ? Ou pour une marque de confiserie sans sucre de développer une appli pour réduire sa consommation de sucre jour après jour ? Ou encore pour une marque d’Upcycling de proposer des contenus pour aider à réduire ses déchets et le gaspillage alimentaire ?

Soit on développe soi-même ce type de service, en assumant les investissements et l’énergie que cela représente ; soit on monte des partenariats avec des organismes existants. Ces partenariats apporteront naturellement une dimension durable à vos innovations. Ils peuvent se faire avec des organismes spécialisés dans la protection de l’environnement comme 1 % for the Planet (Léa Nature, Not Guilty…), d’autres spécialisés dans la réduction du gaspillage alimentaire comme Too Good To Go (Michel & Augustin, Bel…), ou bien des organismes de santé comme Primevère avec l’Institut Pasteur de Lille.

Pensez au-delà du produit aussi dans votre communication, notamment digitale. Créer du contenu plus « consumer centric » que nombriliste servira autant votre engagement que votre business comme on le décrit dans cet article dédié à l’Inbound Marketing.

Restez flexible et tourné vers l’avenir

Qui dit innovation durable dit « long-terme ». Cependant nous ne sommes pas (tous) des mediums : anticiper l’avenir n’est pas toujours possible. C’est pourquoi il est nécessaire de rester flexible et de garder ouvertes les possibilités de faire évoluer ses innovations dans le futur en fonction de l’avancée de la recherche, de l’évolution des débats sociétaux, du développement des technologies. Si vous attendez d’être capable de répondre à toutes les composantes sus-listées avant de vous lancer, soyons honnêtes, vous ne le ferez jamais. Ne soyez pas frustrés d’y aller peu à peu. Et n’hésitez pas à assumer ce que vous ne faites pas encore ou pas encore parfaitement bien, en l’expliquant directement aux consommateurs. Eviter le « greenwashing » passe aussi par là. Nous avons tous un rôle à jouer dans l’éduction pour faire comprendre aux consommateurs et à l’ensemble des acteurs de la chaine alimentaire que chaque pas en avant est un pas dans le bon sens, et que l’ensemble des actions mises bout à bout forment un piolet qui fait avancer l’ensemble vers le haut. Tous ensemble, nous allons y arriver !

* Étude réalisée en ligne par Infopro Digital Études pour LSA, Univers Retail et M6 Publicité, du 11 au 29 mars 2021 auprès de 5 000 Français représentatifs de la population française selon la méthode des quotas sur la base des 10 plus grandes marques en CA par catégorie de produits. https://www.lsa-conso.fr/decouvrez-le-classement-de-la-responsabilite-des-grandes-marques-2021,382243

A propos de l'auteur

Juliette

Directrice du pôle food, elle voit venir les tendances de grande consommation avant tout le monde 😉.
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